Clause d’exclusivité dans un contrat de travail à temps complet : à quelles conditions est-elle licite ?
Résumé : La clause d’exclusivité est illicite lorsqu’elle est rédigée en des termes généraux et imprécis ne spécifiant pas les contours de l’activité complémentaire qui serait envisagée par le salarié, activité bénévole ou lucrative, professionnelle ou de loisirs et ne permettant pas dès lors de limiter son champ d’application ni de vérifier si la restriction à la liberté du travail était justifiée et proportionnée.
Dans un arrêt récent du 16 mai 2018, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a précisé les conditions de validité d’une clause d’exclusivité stipulée dans un contrat de travail à temps complet. Cette clause doit être rédigée de manière précise. Elle doit en effet permettre de connaître les limites de la restriction à la liberté du travail et vérifier si elle est justifiée et proportionnée.
Qu’est-ce qu’une clause d’exclusivité ?
Cette clause oblige le salarié à consacrer l’exclusivité de son activité à son employeur.
Toutefois, elle ne doit pas être confondue avec l’obligation de fidélité et de loyauté du salarié envers l’employeur. Il s’agit d’une obligation générale qui lui interdit notamment de se livrer à des activités concurrentes, pour son compte ou celui d’une entreprise concurrente. Cette obligation es en effet t intrinsèque au contrat de travail. Elle peut être sanctionnée, même en l’absence de clause spécifique.
Dans l’arrêt commenté, le salarié à temps complet travaillait comme responsable événements et supports chef de marché marketing au sein d’une société d’édition et de vente d’ouvrages professionnels. Il travaillait en télétravail depuis le mois octobre 2006.
Son contrat prévoyait une clause aux termes de laquelle il s’engageait expressément à demander l’autorisation de la société pour toute activité complémentaire qu’il souhaiterait exercer.
Le salarié a été licencié pour avoir violé sa clause d’exclusivité. Il avait en effet créé et exploité une société de vente en ligne de vêtement, sans avoir sollicité l’autorisation de son employeur.
La problématique était donc de savoir si la clause d’exclusivité était licite, et pouvait fonder le licenciement du salarié.
Comment savoir si la clause d’exclusivité est licite ?
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La clause d’exclusivité dans un contrat à temps partiel
La Cour de Cassation s’était déjà prononcé dans le cas d’une clause d’exclusivité stipulée au sein de contrats de travail à temps partiel.
Au visa notamment du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, elle a indiqué que cette clause n’était valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (Cass. soc. 11-7-2000 n° 98-40.143).
Par ailleurs, dans un arrêt plus récent, la Cour de Cassation a indiqué que la clause soumettant l’exercice, par le salarié engagé à temps partiel, d’une autre activité professionnelle, à une autorisation préalable, porte atteinte au principe fondamental du libre exercice d’une activité professionnelle et n’est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (Cass. soc. 22-9-2016 n° 15-16.724).
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La clause d’exclusivité dans un contrat à temps complet
La Cour de Cassation confirme ici qu’une clause d’exclusivité stipulée dans un contrat à temps complet est soumise à des exigences de précision, de justification et de proportionnalité. Elle s’est attachée, pour cette vérification, à la rédaction de cette clause.
La Cour d’Appel avait déjà considéré que cette clause portait atteinte aux libertés garanties par l’article L 1121-1 du code du travail, à savoir la liberté du travail et même la vie privée du salarié.
Article L1121-1 du Code du travail
Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation, finalement rejeté. En effet, la Cour de Cassation indique que les juges du fond ont légalement justifié leur décision.
Le motif retenu est le suivant : la clause était rédigée en termes généraux et imprécis ne spécifiant pas les contours de l’activité complémentaire qui serait envisagée par le salarié, activité bénévole ou lucrative, professionnelle ou de loisirs et qu’ils ne permettaient pas dès lors de limiter son champ d’application ni de vérifier si la restriction à la liberté du travail était justifiée et proportionnée.
Source : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mai 2018, 16-25.272, Inédit