
Quelles nouveautés dans la lutte contre le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?
- Sur le plan du droit de l’Union Européenne
Le 11 février 2020, le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) a rendu publique sa décision concernant la réclamation portée à l’encontre du barème italien de plafonnement de l’indemnisation des préjudices subis en cas de licenciement sans motif valable à 6, 12, 24 ou 36 mensualités de référence, mis en place depuis 2015.
L’Etat français avait choisi d’apporter volontairement ses observations dans le cadre de cette réclamation.
Pour autant, le CEDS a estimé que le mécanisme italien violait l’article 24 de la Charte sociale européenne, dans la mesure où il ne permettait pas « dans tous les cas de licenciement sans motif valable d’obtenir une réparation adéquate, proportionnelle au préjudice subi et de nature à dissuader le recours aux licenciements illégaux ».
Le Comité y rappelle que :
« tout plafonnement qui aurait pour effet que les indemnités octroyées ne sont pas en rapport avec le préjudice subi et ne sont pas suffisamment dissuasives est en principe, contraire à la Charte »
Source : Décision du Comité Européen des Droits Sociaux publiée le 11 février 2020, Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL) c. Italie
- Sur le plan du droit interne
Rappelons que de nombreux Conseils de Prud’hommes n’ont pas été convaincus par l’argumentation de la Chambre Plénière au sein de son avis consultatif rendu le 17 juillet 2019 et ont décidé d’écarter ce plafonnement du fait de son inconventionnalité :
- Le Conseil de Prud’hommes de Grenoble par jugement de départage du 22 juillet 2019 (n°18/00267)
- Le Conseil de Prud’hommes de Nevers le 26 juillet 2019 (n°18/00050), et le même jour le Conseil de Prud’hommes de Pau (n°18/00160)
- Le Conseil de Prud’hommes de Troyes en départage le 29 juillet 2019 (n°F 18/00169),
- Le Conseil de Prud’hommes du Havre le 10 septembre 2019 (n°18/00413)
- Le Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 18 septembre 2019 (n°18/00444)
- Le Conseil de Prud’hommes de Limoges qui a rendu quatre jugements le 1er octobre 2019 (n°19/00113, 114 et 115)
- Le Conseil de Prud’hommes de Bayonne le 9 décembre 2019 (n°F 18/00241)
- Le Conseil de Prud’hommes de Saint Germain en Laye le 21 janvier 2020 (n°18/00173)
Depuis l’arrêt de la Cour d’Appel de Reims du 25 septembre 2019 ( RG n°19/00003), plusieurs Cours d’Appel se sont également prononcées en faveur d’une possibilité d’écarter le plafond pour accorder une réparation adéquate et appropriée au préjudice, et même si cela a conduit certaines d’entre elles à ne pas constater concrètement le dépassement du plafond, la démarche de contrôle au regard des préjudices subis est admise (CA Paris, 18 septembre 2019 n°17/00676 et 30 octobre 2019 n°16/05602 ; CA Chambéry 27 juin 2019 n° 18/01276 et 14 novembre 2019 n°18/02184 ; CA Colmar 28 janvier 2020 n°19/00218).
Très récemment, la Cour d’Appel de Grenoble a tranché dans le même sens, considérant
« Dès lors, il ne peut être soutenu que l’établissement d’un barème et le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est contraire, par principe, au droit à une indemnité adéquate garantie par la Charte sociale européenne et la Convention n° 158 sur le licenciement de l’OIT. Le caractère adéquat de la réparation allouée au salarié devant être apprécié de manière concrète en considération de son préjudice et pourra ainsi conduire, au cas par cas, à déroger au principe du plafonnement des indemnités de licenciement. »
Source : Arrêt de la Chambre sociale de la Cour d’appel de Grenoble du 2 juin 2020 (RG n°17/04929)